NADAR

TOURNACHON Gaspard-Félix dit NADAR  | 1820-1910 

Nadar Autoportrait (vers 1860)

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En bref
:
– Caricaturiste, écrivain, aéronaute et photographe français
– Connu principalement pour sa série de portraits photographiques d’artistes et de personnalités contemporains : Panthéon Nadar
– A comme meilleurs amis : Alexandre Dumas, Théophile Gautier, Charles Baudelaire et Gérard de Nerval
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Nadar se définissait comme « un vrai casse-cou, un touche-à-tout, mal élevé jusqu’à appeler les choses par leur nom, et les gens aussi ». C’est un être fantasque et pluri-disciplinaire étant tour à tour journaliste, caricaturiste, aéronaute, contrebandier ou fabricant de pipes !

Une jeunesse bohème et littéraire

Nadar – Autoportrait

Parisien de naissance, il est issu d’une famille d’imprimeurs d’origine lyonnaise.

Étudiant, il mène une vie de bohème, plus intéressé qu’il est par la littérature, les discussions politiques que par ses études. Il commence cependant des études de médecine à Lyon qu’il arrêtera à la mort de son père en 1837 prenant à sa charge sa mère et son jeune frère, Adrien Tournachon, de cinq ans son cadet. Il travaille alors dans différentes rédactions de journaux lyonnais avant de revenir s’installer à Paris où il effectuera divers travaux dans les « petites feuilles » de la presse parisienne.

De la plume à la caricature

A Paris, il collabore au journal judiciaire, « L’Audience« , et se met à fréquenter la « bohème » parisienne et se lie d’amitié avec ceux qui deviendront l’élite intellectuelle et culturelle de l’époque tels que Baudelaire, de Nerval ou Banville, « le poète du bonheur ».

Baudelaire par Nadar 1855

C’est à cette période (vers 1838) qu’il emprunte le pseudonyme Nadar, pseudonyme tiré du surnom Tournadar que ses amis lui avaient donné en référence au « dar » que le photographe ajouté à la fin de chaque mot.

Nadar, c’est la plus étonnante expression de vitalité. » Baudelaire

Parallèlement, Nadar écrit aussi des romans, des critiques artistiques (notamment sur le théâtre qu’il adore) et dessine des caricatures. Nadar vit à cette époque des temps difficiles, connaissant la faim et les petits métiers. Il devient tour à tour : contrebandier, braconnier, sténographe, aide sculpteur, secrétaire de député et marchand de poussier de mottes, fabricant de tuyaux de pipe avec des baguettes de bois de sureau, cueillies au bois de Boulogne et vendues dans les bureaux de tabac.

En 1839 et grâce à l’appui financier de son ami Alfred Francy qui a reçu un héritage, il crée son propre journal, « Le livre d’or« , une luxueuse revue dont il devient rédacteur en chef et dans laquelle il publie les textes de ses amis : Alexandre Dumas, Gérard de Nerval, Théophile Gautier, Alfred de Vigny, Honoré de Balzac entre autres. Mais  au bout de neuf numéros, tout s’arrête.

La robe de Déjanire

Nadar revient alors au journalisme et collabore à divers journaux de gauche, ce qui lui vaut d’être fiché par la police comme «un dangereux activiste qui répand des doctrines subversives dans la jeunesse».

En 1845, influencé par ses amis de plume Baudelaire et Théodore de Banville, il publie son premier roman, « La robe de Déjanire » , roman social qui ausculte la monarchie de Juillet et en pronostique la fin sous la poussée démocratique, et écrit également un conte « L’indienne bleue« .

En 1846, il commence une carrière de caricaturiste et obtient la consécration en 1848 avec la publication de ce qu’on appelle un « portrait-charge » de l’acteur comique Grassot, dans le journal « Le Charivari« .

En passant par la Pologne

Après les journées révolutionnaires de 1848 auxquelles il ne prend pas part, Nadar, sensibilisé à la misère des émigrés polonais grâce à son ami des années Bohème Karol, il s’engage avec son frère Adrien dans un corps expéditionnaire constitué par le gouvernement provisoire pour libérer la Pologne de l’occupant russe. Le 30 mars 1848, ils quittent Paris derrière un vieux colonel à cheval au côté de 500 volontaires.

N’ayant jamais reçu ni armes, ni argent, Nadar est fait prisonnier en Allemagne, mis au travail forcé dans une mine, puis, refusant le rapatriement gratuit, revient à pieds et est de retour en France le 1er juin.

Jean Hetzel

Au lendemain de son retour en France, il fait la connaissance de Jules Hetzel, alors chef du cabinet du ministre des Affaires étrangères et futur éditeur de Jules Verne et de Victor Hugo, à qui il déclare « Je veux devenir espion! ». Jules Hetzel l’engage alors comme agent secret et Nadar, muni d’un faux passeport au nom de Frederick Haak ayant comme profession « artiste peintre », part se renseigner, chevalet sous le bras, sur les mouvements des troupes russes à la frontière prussienne. Il rentre au début du mois de septembre une fois sa mission achevée et sans avoir rapportée aucune information.

Le Panthéon Nadar

Après son expérience militaire, Nadar se consacre de nouveau à la caricature. Il travaille de nouveau pour différents journaux, dont Le Journal, pour lequel il crée le personnage Mossieu Réac.

Mossieu Reac

En Mai 1849, il entre au Journal Pour Rire que vient de lancer Charles Philipon, également fondateur du Charivari et de la Caricature. Le nombre des abonnés, 10 000, est au rendez-vous et Nadar devient rapidement un pilier du journal, ses chroniques illustrées y rencontrant beaucoup de succès.

Durant cette période, Nadar sort et voyage beaucoup, notamment à Londres où est exilé Jean Hetzel, fréquente de nombreuses femmes et dilapide sa fortune, ce qui lui vaut un petit tour d’un mois par la case prison en raison des dettes qu’il accumule.

Fin 1851, Nadar se lance,  avec l’aide de plusieurs collaborateurs, dans la création d’une galerie de portraits de personnalités contemporaines sur lithographies : Musée des gloires contemporaines, connu aujourd’hui sous le nom de Le Panthéon Nadar. Ce sont près de 300 grands hommes tels que Hugo, Vigny, Balzac, Lamartine, Sandeau, Musset ou Dumas qu’il rencontre afin de les dessiner et de les disposer en cortège pour illustrer quatre lithographies de très grand format (104×75 cm). Il édite le premier feuillet en 1854, connaît un succès immédiat mais abandonnera l’idée d’éditer les trois autres feuillets prévus.

Le Panthéon Nadar – The Metropolitan Museum of Art, New York, USA

Le « bon Nadar »

Il connaît déjà la photographie grâce à l’intermédiaire de son frère qu’il a poussé dans cette voie en lui offrant des leçons auprès du maître Gustave Le Gray.
En 1854, il s’installe au 113 de la rue Saint-Lazare à Paris dans un atelier extrêmement luxueux, puis en 1860 au 35, boulevard des Capucines. Il y reçoit alors tout ce que Paris compte comme personnalités en vue : hommes politiques (Guizot, Proudhon), acteurs (Sarah Bernhardt), écrivains (Hugo, Baudelaire, Sand, Nerval, Gautier, Dumas), peintres (Corot, Delacroix, Millet), musiciens (Liszt, Rossini, Offenbach, Berlioz), hommes de sciences (Chevreul)… Ses amis le surnommeront affectivement le « bon Nadar ».

Atelier Nadar au 35 Boulevard des Capucines – 1860

 

La théorie photographique s’apprend en une heure ; les premières notions de pratique, en une journée… Ce qui ne s’apprend pas, je vais vous le dire : c’est le sentiment de la lumière, c’est l’appréciation artistique des effets produits par les jours divers et combinés…Ce qui s’apprend encore moins c’est l’intelligence morale de votre sujet, c’est ce tact rapide qui vous met en communication avec le modèle, et vous permet de donner, non pas… une indifférente reproduction plastique à la portée du dernier servant de laboratoire, mais la ressemblance la plus familière, la plus favorable, la ressemblance intime. C’est le côté psychologique de la photographie, le mot ne me semble pas trop ambitieux » Nadar

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Les poses des sujets photographiés par Nadar restent très classiques, il n’utilise pas d’accessoire, ni de décors conventionnels et photographie à la lumière naturelle des hautes verrières de son atelier. Ce qui le différencie des autres photographes, c’est cette capacité à capter « l’expression vraie et (…) cet instant de compréhension qui vous met en contact avec le modèle, qui vous aide à le résumer, vous guide vers ses idées et son caractère. ».

Cependant, il va accepter des compromis commerciaux (comme les portraits carte de visite inventés par Disdéri) à partir de 1860 lorsque la concurrence se fait de plus en plus vive. En 1886, il cède son affaire à son fils Paul qui poursuit sans génie le travail de son père.

La terre vue du ciel…

L’aérostation est une passion d’enfance. Déjà dans son atelier, il avait un décor permettant à ses clients de se faire photographier « en montgolfière ». Nadar va chercher à associer l’art photographique à l’intérêt qu’il porte aux ballons.

En 1857, il effectue ses premières tentatives de photos aériennes dans un ballon mais les négatifs restent désespérément noirs. Il faudra plusieurs ascensions pour qu’ils se rende compte que l’hydrogène sulfuré qui s’échappait normalement de la soupape en altitude réagissait sur l’iodure d’argent des plaques. En 1858 il dépose un brevet d’invention pour son nouveau système de photographie aérostatique et fait les premières photographies aériennes en survolant Paris.

Vues aériennes du quartier de l’Etoile

Le Géant de l’esplanade des Invalides

Mais le ballon a ses limites car on ne peut guère le diriger avec précision. Convaincu que la locomotion aérienne ne peut se faire qu’à la condition d’être plus lourd que l’air, il édite en 1863 un manifeste, Manifeste de l’automotion aérienne, dans lequel il écrit : « … vouloir lutter contre l’air en étant plus léger que l’air, c’est folie ». Il crée également avec le scientifique Ponton d’Amécourt, qui met au point un prototype d’hélice, la “Société d’encouragement pour la locomotion aérienne aux moyens d’appareils plus lourds que l’air ”. Pour financer ses recherches, il demande alors à Louis Godard de lui construire un immense ballon de 6000 m3, baptisé « Le Géant », équipé d’une nacelle à deux étages comportant plusieurs pièces dont des chambres et des cabinets, et qui pouvait contenir une trentaine de personnes.

Le premier vol du Géant a lieu le 4 octobre 1863 à Paris avec treize personnes à bord, dont Jules Verne, défenseur du “ plus lourd que l’air ”, qui fera de Nadar son Ardan, anagramme de Nadar, dans «De la Terre à la Lune» (1865) . Napoléon III est même présent au départ du ballon qui perd rapidement de la hauteur et doit atterrir à Meaux.

Extrait du Petit journal du 4 octobre 1863

Il effectuera plusieurs autres vols dont un avec son épouse en octobre 1863, dans les environs de Hanovre, qui se termine par le ballon qui s’écrase après avoir été longuement trainé par le vent : Nadar et sa femme sont gravement blessés.
En 1864, il effectue un vol à
Amsterdam, avec à son bord un journaliste d’Amsterdam mais le ballon doit finalement atterrir peu de temps après dans les polders près de Haarlem


 


Sources : Universalis, Wikipedia, Arago, France Archives

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Crédits photo : Arago, ©  Editions du Patrimoine