Le gothique international dans le Saint-Empire romain germanique

Le gothique international : un style homogène pour une grand unité artistique dans toute l’Europe occidentale

  • BERTRAM von Minden (dit Maître Bertram)
  • Maître de la Madone de GLATZ
  • Maître de Vyšší Brod
  • Maître THEODORIC
  • Conrad von Soest
  • Maître du Retable de Třeboň
  • Maître Francke
  • Lukas MOSER
  • Maître de la VERONIQUE
  • Maître du Haut Rhin ou Maître du Jardin de Paradis
  • Stefan LOCHNER
  • Maître du retable d’Ortenberg

BERTRAM von Minden | ~1340 – 1415

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En bref
:
– Assure la transition vers le style gothique international
– Durant son activité, il tint le plus important atelier de Hambourg

– Son chef-d’œuvre : le Retable de Grabow
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Né à ou près de Minden en Westphalie, Maître Bertam est l’un des peintres les plus représentatifs du gothique allemand de la fin du XIVe siècle et du début du XVe siècle.

Il fut actif de 1367 à 1415 à Hambourg où il tint le plus important atelier de la ville.

La seule œuvre qu’on lui attribue avec certitude est le retable de Grabow dont le style très original n’a pas d’équivalent dans d’autres œuvres d’Europe du Nord et de Bohême.

Cette œuvre est marquée par l’influence de la peinture de la cour de Prague et notamment les tableaux réalisés par maître Théodoric pour le château de Karlstein. La représentation de la faune et des paysages présente également une proximité avec l’enluminure française alors dominante.

  • Vers 1379-1383Le retable de Grabow (Kunsthalle, Hambourg)
    • Il illustre des scènes de l’Ancien et du Nouveau Testament. 
    • Réalisé pour le maître-autel de l’église Saint-Pierre de Hambourg, alors première église paroissiale de la ville, il est également le plus ancien polyptyque de l’Allemagne du Nord conservé dans sa quasi-intégralité.
    • Il constitue un témoignage capital des premiers temps de l’art des retables dans le Nord de l’Europe
    • Il possède des dimensions monumentales : 7,26 mètres de large et 2,77 mètres de haut, 24 scènes peintes qui ornent ses quatre volets extérieurs, et 79 figurines sculptées et polychromes décorant ses trois volets intérieurs. Le centre était sans doute occupé à l’origine par un couronnement de la Vierge encadré de 44 figures de saints réparties sur deux registres.

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  • Les peintures des volets extérieurs :
    • Composée de quatre volets articulés et rabattables et peinte à la tempera
    • La première paire de volets a perdu ses peintures extérieures d’origine
    • Ouverts, les volets présentent sur les quatre panneaux, 24 scènes peintes sur fond d’or formant une narration en continu de la gauche vers la droite et sur deux rangées :
      • en haut : les différentes étapes de la Genèse, de la Création jusqu’à l’histoire d’Adam et Ève
      • en bas : la suite de la Genèse, des offrandes d’Abel et Caïn jusqu’à la bénédiction de Jacob par son père Isaac en passant par la construction de l’arche de Noé, suivie de six scènes de la vie de Jésus, de l’Annonciation à la fuite en Égypte.
  • L‘intérieur sculpté : lorsque les volets extérieurs sont ouverts (les jours de fête), le retable révèle un intérieur sculpté, orné de 79 statuettes de bois polychromes.

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Au XVe, avec la Réforme, le culte des saints est abandonné en Allemagne et tout particulièrement celui de Pierre. Le retable est au cours du temps démantelé partiellement et offert au XVIIIe siècle à l’église Saint-Georges de Grabow. Ce n’est qu’au XXe siècle qu »il retourne dans sa ville d’origine, Hambourg.

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Maître de la Madone de GLATZ | actif vers ~1345

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En bref
:
– Œuvre clé de l’école de Bohême : la
Madone de Glatz
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Chef-d’œuvre de la Madone de Glatz réalisée à la demande de Ernst (Arnestus) von Pardubitz (Ernest de Pardubice), originaire de Glatz (en Silésie, qui faisait alors partie du diocèse de Prague), qui deviendra plus tard le premier archevêque de Prague. Il fit donation de l’œuvre vers 1350 à l’abbaye des chanoines Augustins réguliers de Glatz, qu’il venait de fonder. Jusqu’à la destruction de l’abbaye en 1622, ce tableau orna le maître-autel de la chapelle consacrée à l’Annonciation de Marie, aussi appelée Thumkirche.

  • Vers 1343-44 – Madone de Glatz
    • Ce tableau devait à l’origine former la partie centrale d’un polyptyque à cinq panneaux.
    • La Vierge Marie se tient sur  le « trône de Sagesse » (Sedes sapientiae) de style gothique, sur un fond tendu d’un dais en or.
      De la main droite elle retient l’Enfant assis sur son genou, et tient l’orbe dans sa main gauche.
      Ernest de Pardubice est représenté à genoux en bas à gauche.
    • Les lions renvoient au trône de Salomon
    • Le mur noir servant de fond en partie basse renvoie au « jardin clos » de la Vierge
    • Le bois du dossier du trône renvoie sans doute au « cèdre du Liban »
    • L’étoile au bord supérieur, au titre de gloire de la Vierge la désignant comme « stella maris » : étoile de mer.

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Maître de Vyšší Brod | actif vers 1350 

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En bref
:
– Cour de Bohême
– P
articipe à l’évolution de l’art vers le milieu du XIVe siècle
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Peintre anonyme, également connu sous le nom maître de Hohenfurth (du nom allemand de la ville de Vyšší Brod), sans doute originaire de Prague, qui doit son nom à un retable destiné au couvent cistercien de Vyšší Brod, dans le sud de la Bohême.

  • av/vers 1350 : Retable
    Un des monuments les plus remarquables de la peinture sur panneaux du Moyen Âge, cette œuvre, dont les 9 panneaux sont maintenant dispersés, représente l’« Enfance du Christ » avec des scènes de la Passion.
    Les scènes représentant l’Annonciation, la Nativité, l’Adoration des Mages et la Résurrection sont attribuées à la main du maître, tandis que d’autres parties sont considérées comme le produit de son atelier.
  • Caractéristique de cette époque de l’art de Bohême : la façon dont les modèles de représentation byzantins ou de tendance byzantine (dans le Nord de l’Italie) – par exemple par la carnation ou le dessin des visages – sont associés à des dessins calligraphiques et à des motifs de l’art occidental.

Maître THEODORIC | documenté à partir de 1359 – ~ 1381

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En bref
:
– Figure centrale de la peinture de Bohême des années 1360
– A
ssure le lien entre les peintres des générations précédentes et le Maître de Trebon
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Premier artiste bohémien dont le nom est associé à une œuvre clairement identifiée, Théodoric est également le premier artiste de Bohême identifiable, en ce qui concerne son nom, sa fonction, son activité.

Le nom de Théodoric apparaît pour la première fois en 1359 dans les registres de la corporation des peintres de Prague, inscrit sous le nom « Theodoricus de Praga primus magister ». Dans les registres de la cité de Prague de la même année, il est désigné comme peintre de l’empereur.

Peintre de cour de Charles IV (1316-1378), roi de Bohême et empereur du Saint Empire Romain, entre 1357 et 1367, pour qui il réalise de nombreuses peintures sur panneau et décore la chapelle de la Sainte-Croix et la chapelle impériale du château de Karlstejn, nouvellement construit par l’empereur au sud de Prague. Théodoric y proposa l’innovation majeure de la chapelle : l’abandon de la peinture murale conventionnelle en faveur d’une série de panneaux en bois amovibles.

Tandis que certains aspects de sa peinture – la perspective maladroite, le débordement de la peinture sur le cadre, l’omniprésence de l’or – rappellent l’héritage des icônes byzantines, d’autres témoignent de la diversité et de la nouveauté de ses sources d’inspiration dans une Bohême cosmopolite.

  • La décoration de la chapelle fut probablement entreprise en février 1365 et sans doute terminée en 1367.
    Elle rassemble  toute l’œuvre de Théodoric, qui fut également responsable de l’aménagement de l’ensemble.
  • Les parties hautes des murs sont recouvertes de 129 panneaux peints, disposés sur plusieurs rangs.
    Toute l’armée céleste y est représentée : saints et saintes, Pères de l’Église, évangélistes, évêques, abbés, ermites, dont les bustes, vigoureux et statiques, sont souvent de type populaire.
    Ces figures se détachent sur des fonds d’or ou sur un arrière-plan décoré.
  • Vers 1367 – Saint Jérôme
    Saint Jérôme (Jérôme de Stridon, vers 340-420), Docteur de l’Église, ascète renommé pour avoir donné à la chrétienté ce qui allait devenir la traduction officielle de la Bible en latin, la Vulgate.

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    Des vêtements désignant son rang de cardinal : un manteau rouge doublé de vert, et un chapeau à larges bords de mêmes couleurs.
    À sa droite, une table de travail en bois, sur laquelle reposent un rouleau, un lutrin et des pots à encre : objets qui rappellent les activités érudites qui occupèrent Jérôme pendant les trente-quatre dernières années de sa vie.

    Le fond est décoré intégralement jusqu’aux bords du cadre de petits ornements dorés en relief où figurent, en alternance, un aigle, allusion au Saint Empire Romain, et un lion, compagnon traditionnel du saint.


Conrad von Soest | ~ 1370  – 1422  

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En bref
:
– Un des peintres les plus représentatifs de l’école de Westphalie
– Style doux du gothique international
– Joue un rôle primordial dans l’introduction du style courtois international en Allemagne du Nord

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Né vers 1370 à Dortmund, cité influente et riche de la Hanse, Conrad Von Soest était à la tête d’un atelier prospère. 

Son œuvre montre des nombreux signes de l’influence de l’enluminure française, et de la peinture flamande (on  suppose qu’il a séjourné en Bourgogne, à Prague, à Paris, à Gand ou à Bruges à la fin de son apprentissage).

  • 1403 – Triptyque de Bad Wildungen (église municipale, Stadtkirche, protestante de Bad Wildungen)
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  • Le retable ouvert comporte 13 tableaux : un panneau central comportant une crucifixion encadré par quatre tableaux de la Passion ; sur l’aile droite, quatre autres tableaux, deux de la Passion, un représentant la Pentecôte et un autre le Jugement dernier.
  • Panneau gauche qui comporte quatre scènes de la vie de la Vierge et de l’enfance du Christ :

    • En haut à gauche : Annonciation. Marie port un diadème incrusté de perles qui forment son nom ; le tapis de fond et celui posé sur le prie-dieu comportent des ornements aux motifs très élaborés, caractéristiques du peintre.
    • Nativité. Présentée de manière inhabituelle : au lieu de voir l’enfant Jésus parterre et Marie et Joseph en adoration, Marie est couchée dans un lit, cajolant son fils, alors que Joseph ravive le feu sur lequel il prépare une bouillie.
    • L’Adoration des Mages. Placée sous les arcades d’un bâtiment gothique. Les trois rois, tous d’une élégance courtoise de l’époque, sont richement vêtus, avec ici aussi des motifs élaborés dans les tissus.
    • La Présentation au temple montre la Vierge et l’enfant devant Siméon, vêtu richement, avec à sa ceinture une petit sac contenant les instruments de circoncision.
      Joseph est absent et les colombes d’offrande sont apportées par une personne qui est peut-être une servante.
      À droite, et un peu à l’écart, deux hommes dont la tête est surmontée d’un petit diable (indiquant que les deux personnages sont vivants au moment où ils sont dépeints) : il s’agit peut-être du peintre Conrad et du curé de l’église, un dénommé Conrad Stollen.
  • Panneaux central et droit composé de la grande scène de crucifixion entourée de quatre scènes de la passion du Christ, qui sont complétées par deux tableaux sur le panneau droit :


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      En haut à gauche la Cène. L’homme vêtu de marron en bas est le traître Judas qui porte un sac sur son dos contenant la récompense de sa trahison. C’est égalementlui qui cache un poisson sous la table. Le Christ lui donne un morceau de nourriture, geste par lequel il désigne le traitre.
      Aux côtés de Jésus, vêtus de rouge et nommément désignés dans les auréoles, Pierre à gauche et Paul à droite. La présence de ce dernier est anachronique mais usuel à pour l’époque.

    • Le  jardin de Gethsémani. Jésus prie, les disciples dorment.
      Au fond à gauche, les ravisseurs arrivent avec Judas, à droite la main de Dieu sort des nuages et montre la croix, le calice est bien visible.
    • Sur le haut du volet droit, la scène devant Ponce Pilate qui se déroule en deux temps, dans deux salles d’un bâtiment : Jésus est amené ligoté, tiré par le col et les cheveux, tandis que deux personnes à gauche de la scène ont des gestes dubitatifs.
      Dans la deuxième pièce, Pilate orné d’un chapeau et d’un manteau rouge sous lesquels apparaît une robe richement brodée se lave déjà les mains.

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    • Le Couronnement d’épines, en présence d’un notable à gauche, avec les expressions de moquerie sur deux comparses. Conrad fait figurer des représentants des quatre états : noblesse, clergé, bourgeoisie et paysannerie.
    • La Crucifixion du panneau central suit la construction usuelle de son époque : les « bons » sont sur le côté gauche, les autres sur la droite.
      On reconnaît les « Trois Marie » entourant la Vierge, l’apôtre Jean avec son évangile sur les genoux, les deux larrons ont leurs instruments de méfaits accrochés à leur croix.
      Quatre anges entourent la croix, deux au-dessus, et deux autres recueillant le sang, en dessous.
      À la place du soleil et de la lune voilés, et en dehors de la voûte céleste, deux prophètes portant des phylactères.
      Conformément à la tradition rhénane, le coup de lance est porté par deux personnages, un aveugle et un soldat qui le guide; le soldat est ici bien civilement habillé.
      La banderole avec les mots « Vere Filius Dei erat iste » (« celui-là était vraiment le fils de Dieu ») semble être portée par un dignitaire hébreux plutôt que par un capitaine romain selon la tradition. Les riches vêtements des personnages masculins, les fleurs éparses sur le sol, et la présence des chiens de chasse ou de compagnie, sont tous des symboles de la peinture « douce ».

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    • La Résurrection : un sarcophage décoré d’où le Christ sort, montrant les plaies et portant la bannière de la résurrection. Le pied du Christ ne touche pas le sol; les soldats portent des uniformes bourguignons.
    • En bas, à droite, l’Ascension. Alors que souvent, on ne voit plus que les pieds du Christ, il est représenté ici dans une mandorle (signifie amande en italien et désigne une figure en forme d’ovale ou d’amande dans laquelle s’inscrivent des personnages sacrés, le plus souvent le Christ) qui débordé le cadre du panneau et empiète sur le tableau supérieur.
      Sur la montagne stylisée, on voit encore les empreintes de ses pieds, dernier souvenir de sa présence terrestre.
      Les disciples et Marie ont des gestes variés montrant l’adoration, l’étonnement ou l’incrédulité.
    • A droite la Pentecôte. La Vierge trône, flanquée des deux priconrad_von_soest_apotre-aux-besicles-retable-de-bad-wildungen-_1403nces d’église Pierre et de Paul, vêtus de rouge et entourée des autres apôtres. Trois livres sont visibles, dont l’un est consulté par l’homme au bésicles (probablement l’une des premières représentations de lunettes au nord des Alpes), et l’autre est peut-être bien en cours d’écriture.
    • Le dernier tableau montre le Jugement dernier, dans une mise en scène sobre : le Christ en rouge, avec la Vierge vêtue de bleu et Jean-Baptiste en ascète; les bienheureux sont accueillis au ciel en haut à gauche par saint Pierre, les damnés sont aspirés par l’enfer, pris par quelques démons et une énorme tête de diable; quelques ressuscités sortent de leurs tombes. 
  • 1410 – Panneaux des saintes Dorothée et Odile (LWL-Landesmuseum, Münster)
    Deux petits panneaux de 92 × 25 cm. Ces panneaux étaient à l’origine les volet d’un retable ou d’un tabernacle : quand les volets étaient fermés, on voyait Grégoire, et quand ils étaient ouvert, on voyait Dorothée à droite et Odile à gauche.
    Les deux saintes sont dotées des attributs qui leur sont propres :

    • Dorothée tient à la main droite un petit panier rempli de roses, en dessous duquel pend une roue et sa main gauche retient le bord de sa cape et tient un plant de fraisier : ces attributs font allusion à la légende selon laquelle Dorothée, avant de subir le martyre, a déclaré que le jardin du seigneur lui était ouvert, et qu’au moment de sa mort, un jeune homme soit apparu avec un panier rempli de roses et de pommes, sous-entendu provenant de ce jardin.
    • Odile tient dans sa main droite un livre ouvert, où l’on peut déchiffrer les mots genitrix ut digni efficiamur, extrait d’une phrase plus longue d’une litanie ; dans la main gauche, la palme du martyre. Il s’agit probablement de sainte Odile de Hohenbourg : le livre ouvert doit rappeler qu’elle était aveugle et a miraculeusement recouvré la vue : Odile signifierait d’ailleurs « fille de la lumière ».
  • 1420 – Le Marienaltarlittéralement « retable de Marie » (autel de Marie dans la Marienkirche de Dortmund).
    Le retable, sous forme d’un triptyque est la dernière œuvre connue du peintre, mort quelques années plus tard. Il a la particularité d’être entièrement et uniquement consacré à la vie de Marie, une exception pour l’Allemagne du Nord..
    Les deux panneaux extérieurs ont une hauteur de 1,40 mètre, le panneau central est légèrement moins haut et les peintures du dos, qui composaient l’extérieur du retable fermé, sont fortement dégradées.

    • Panneaux extérieurs :

      • A gauche, La Nativité. Marie est représentée dans un lit, comme pour le retable de Bad Wildungen, et une clôture tressée indique symboliquement l’extérieur ; cependant rien d’autre n’indique la grange, l’étable, les animaux ou les bergers usuellement présents.
        Le cercle de feu rouge derrière le lit est en fait un nuage d’anges, idem pour le nuage bleu au-dessus du lit, où les anges tiennent un rouleau de chant.
        Les auréoles de Marie et de l’enfant contiennent des textes : pour Marie Sancta Maria, mater Cristi vir(go) et pour l’enfant Jesus Christus, en partie en lettres grecques.
        La réduction des scènes à un nombre réduit de personnages devant un fond doré et un paysage seulement esquissé, sont les signes d’un style proche de la première Renaissance italienne, loin du grouillement de personnes des détails minutieux de l’art gothique tardif.
      • Au centre, La Dormition (deux anges viennent chercher l’âme de Marie).
        Au centre, Marie entourée d’un nuage d’anges bleus dont l’un lui ferme les yeux, un autre la bouche, un troisième touche ses cheveux.
        La mourante tient dans la main un cierge funéraire, décoré d’un médaillon effleuré par une branche de palmier, tendu par l’apôtre Jean.
        À gauche, l’apôtre Thomas (son nom est écrit sur l’auréole) allume un récipient à encens.
        Le livre posée sur la table de chevet contient la signature de l’artiste, sur la tranche du milieu rendue visible par les deux languettes de fermeture insérées dans les feuilles.
        La personne assise devant le lit, isolée du monde par son capuchon relevé, lit un texte sur un rouleau : « diffusa est/gratia in la/biis tuis prop/tera benedi/xit te deus (in aeternum; Ps. 45, 3b)/ [illisble] et in saeculum saeculi/laus copia/ Gaudent / chori ange/loru(m) consor/tiu(m) et era/cuiuis deu(s)./alleluja (La bénédiction de tes lèvres est épanouie, c’est pourquoi Dieu te bénit. (Ps. 45, 3b) Les chœurs des anges se réjouissent et louent Dieu. Alléluia. ».

        En haut à droite, le fond doré s’ouvre sur le ciel bleu dans lequel trône Jésus qui tend la main à l’âme de Marie pour l’accueillir.
        La couverture bleue du lit est constellée de fleurs dorées (qui n’épousent aucunement les plis et les formes du tissu, caractéristique de la manière que le peintre use pour faire figurer des motifs décoratifs). Il en est de même des motifs bleu pâle représentant des dessins fantastiques.
        Une partie d’une auréole sous l’apôtre de gauche comporte le mot minor, ce qui permet de conclure qu’elle désigne Jacques le Mineur.
      • A droite, Les Rois Mages.
        Le tableau a été rétréci sur sa partie gauche. Le style courtois et particulièrement manifeste dans de panneau.
        Les tissus précieux des vêtements, le tapis mural rouge derrière le trône de Marie, et notamment le manteau de brocart du roi Melchior avec sa fourrure d’hermine montrent des symboles mariaux, comme la lettre « M » sur le bandeau du roi vêtu de noir, le griffon, la licorne et la grenade.
        La mode du temps se reflète aussi dans l’ensemble des attributs de ce roi debout, vêtu avec élégance : les poulaines (chaussures très pointues), la trompe de chasse portée en bandoulière, les lourdes ceintures, la riche bourse.
    • Panneaux du dos : ils montrent l’Annonciation et le Couronnement de Marie par Jésus, c’est-à-dire le début et la fin du cycle de Marie comme mère du Christ.
      Ce sont ces tableaux qui étaient visibles lorsque le retable était fermé.

       

      • L’Annonciation. Cette scène de l’adoration se déroule comme il est usuel dans un espace séparé en deux, d’un côté et à l’extérieur l’ange de l’annonciation, de l’autre et à l’intérieur Marie. On devine l’ange portant la banderole d’annonce. Marie, la tête penchée, vêtue d’un manteau bleu sous lequel on devine un brocart richement décoré, montre son acceptation.
      • Le Couronnement de Marie. Marie est au ciel, au même niveau que son fils. Elle porte un manteau bleu, en opposition au manteau rouge de Jésus, déjà couronné.
        Jésus lui remet un sceptre et lui appose une couronne de perles, symboles du couronnement.  L’auréole de Jésus porte une inscription où on peut déchiffrer ego sum, peut-être à compléter par resurrectio et vita (« je suis la résurrection et la vie »).
        Les deux personnes sont entourées d’une mandorle composée d’anges aux ailes rouges et de tétramorphes, dont on ne voit plus que l’ange de Matthieu et le lion de Marc, les deux autres évangélistes ont disparu au sciage.

Maître du Retable de Třeboň  ou Maître de Wittingau | actif vers 1380/1390 

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En bref
:
– Représentant majeur de l’école de Bohême
– F
ondateur du « style fleuri », ou « beau style », typique du gothique international de Bohême
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Son nom lui vient de son œuvre principale, trois tableaux pour l’autel de l’église de Sant’Egidio (Saint-Eloi) à Trébon (Wittingau en allemand) au sud de la Bohême.
Ces tableaux représentent des épisodes de la Passion du Christ.
Il en subsiste trois: Le Christ au Mont des Oliviers, La Mise au tombeau du Christ et La Résurrection du Christ.

Le Maître de Wittingau est le fondateur du « style fleuri », ou « beau style », typique du gothique international de Bohême, qui inscrit pour la première fois en Bohême des figures modelées en clair-obscur dans des espaces organisés en profondeur. Le traitement des effets de lumière est emprunté à Maître Théodoric.


Maître Francke | ~1380  – 1440

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En bref
:
– L’un des peintres les plus originaux du gothique international allemand
– U
n des meilleurs représentants du « style doux »
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Moine dominicain et peintre de retables, né vers 1380 et issu d’une famille de cordonniers hambourgeois originaire de Zutphen. Il meurt vers 1440, vraisemblablement à Hambourg.

Le peintre est un des meilleurs représentants du « style doux », ou « weicher Stil », variante allemande du style gothique international : les artistes délaissent les précédentes formes rigides du gothique au profit de lignes plus gracieuses et d’expressions plus douces. L’influence du peintre sur les générations suivantes témoigne de sa notoriété.

Quatre œuvres aujourd’hui formellement considérées comme d’une même main sont parvenus jusqu’à nous :
2 tableaux représentant l’Homme de douleur (musées de Leipzig et de Hambourg)
2 grands retables à volets : le Retable de sainte Barbe (musée d’Helsinki), sans doute exécuté pour la cathédrale du port hanséatique d’Åbo en Finlande, comportant un intérieur sculpté probablement dans l’atelier du peintre, ou sur ses dessins, et des doubles volets peints avec 8 scènes de la vie de sainte Barbe ; du Retable des  » Englandfahrer « , dit  » retable de saint Thomas Becket  » (musée de Hambourg), incomplètement conservé, dont subsiste un fragment du panneau central peint (Crucifixion) et, des doubles volets, 4 Scènes de la Passion sur fond d’or, 2 Scènes de l’enfance du Christ et 2 Scènes de l’histoire de saint Thomas Becket sur fond rouge étoilé.

  • 1410-1415 – La Légende de sainte Barbe (Helsinki, Musée national).
    Cycle légendaire consacré à saint Barbe et destiné à la cathédrale de Tuku (Finlande). Le premier cycle raconte comment en poursuivant la sainte, son père vit soudain un mur se dresser sur son chemin : il vient d’entrer dans le tableau par la gauche, vêtu d’un somptueux habit oriental et un cimeterre à la main et poing fermé. Le mur vient couper le tableau de gauche à droite, jusqu’au bord antérieur de l’image, empêchant toute avancée.
    Dans « La Poursuite de sainte Barbe », la blonde jeune fille Barbe s’enfuit dans la forêt, poursuivie par son père irrité de sa conversation à la foi chrétienne ; quoique représentée à l’arrière-plan et cachée par les frondaisons, la sainte est reconnaissable à son auréole lumineuse.
    Le peintre s’intéresse à l’effet narratif bien davantage qu’à l’exactitude de la perspective : on le voit au rapport des proportions incorrects.
  • Vers 1420 – L’Homme de douleurs  (Museum der bildenden Künste, Leipzig)

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    L’Homme de douleurs

  • Vers 1424 – Retable de saint Thomas Becket (Kunsthalle, Hambourg)
    Ce retable des Englandsfahrer (confrérie des marchands commerçant avec l’Angleterre) représente une Crucifixion accompagnée d’épisodes de la vie de Thomas de Canterbury, le saint patron protecteur de la corporation anglaise.
  • Vers 1435 – L’Homme de douleurs (Kunsthalle, Hambourg)

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    L’Homme de douleurs


Lukas MOSER ou Lucas Moser | ~1390 – ap. 1434 

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En bref
:
– Son chef-d’œuvre unit les nouveautés flamandes au souvenir du « style doux » autochtone

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Peintre allemand qui doit sa notoriété à son chef-d’œuvre : le retable de l’autel de Marie-Madeleine dans l’église paroissiale de Sainte-Marie-Madeleine de la ville de Tiefenbronn.

Malgré certains traits encore attachés au « style suave » du gothique international, l’extrême attention apportée aux apparences du monde en font le contemporain du Maître de Flémalle et de Jan van Eyck.

  • 1432 – L’Autel de Marie-Madeleine ou Retable de la Madeleine (église paroissiale de Sainte-Marie-Madeleine de Tiefenbronn)
    T
    riptyque constitué d’un coffre central où un groupe en bois sculpté représentant la Madeleine entourée d’anges ; il est fermé par deux volets rectangulaires mobiles, peints, encadré par deux ailes fixes, également peintes, visibles lorsque les volets sont fermés, et il est surmonté par une autre composition peinte.
    Ouverts, les volets montrent sainte Marthe et saint Lazare, debout sur un sol fait de nuages où brillent des astres.
    Lorsque les volets sont fermés, on voit trois scènes de la légende de sainte Madeleine : la traversée, l’arrivée à Marseille et l’apparition au couple princier, la dernière communion de la sainte dans la cathédrale d’Aix-en-Provence.
    Au-dessus est représentée la Madeleine aux pieds du Christ ; à la prédelle, le Christ entre les « vierges sages »:

    • Pignon : Le Repas dans la maison de Simon,
    • Panneau de gauche : La Navigation de saints Marie-Madeleine, Marthe, Lazare, Maximin, et Sidoine,
    • Panneau central : les Saints Marthe, Lazare, Maximin, et Sidoine endormis et au-dessus Sainte Marie-Madeleine apparait en rêve au couple princier.
    • Panneau de droite : Dernière communion de sainte Marie-Madeleine, donnée par Maximin.
    • Prédelle : Le Christ entre les vierges folles et les vierges sages.

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Maître de la VERONIQUE | actif ~ 1395 – ~ 1415 

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En bref
:
– L’un des artistes le plus marquant de l’École de Cologne
– L
‘un des maîtres les plus représentatifs du « style doux »
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Peintre anonyme actif à Cologne au tout début du XVe siècle qui tient son nom d’une des œuvres qui lui sont attribuées, la Sainte Véronique au Suaire peinte vers 1420, vraisemblablement pour l’église Saint-Séverin de Cologne.

Sa art est influencé par les manuscrits enluminés des cours françaises. Il a su opérer la synthèse entre la tradition locale et le style international alors répandu dans l’ensemble de l’Europe occidentale, et jette ainsi les fondements du « style doux » allemand, marqué par des silhouettes allongées à la fois sobres et délicates, des modelés à peine marqués, des couleurs claires.

La dizaine de peintures qu’on lui reconnaît est surtout composée de panneaux de petites dimensions, œuvres de piété à destination vraisemblablement privée. Outre ses deux versions de la Madone à la fleur de vesce, on lui doit deux versions de Sainte Véronique au Suaire, un Christ de douleurs et une Sainte Conversation

  • Vers 1400 – Triptyque de la Conversation sacrée (collection Heinz Kisters, Kreuzlingen)


  • Vers 1400-1410 – La Madone à la fleur de vesce (Germanisches Nationalmuseum, Nuremberg)

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  • vers 1400-1415 – Triptyque de la Madone à la fleur de vesce (Wallraf-Richartz Museum, Cologne)
  • Vers 1420 – Sainte Véronique au Suaire (Alte Pinakothek de Munich)

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Maître du Haut Rhin ou Maître du Jardin de Paradis | actif ~1400/1425 

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En bref
:
Le Jardin de Paradis : chef-d’œuvre du Gothique international
Un des meilleurs représentant du « style doux »
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Peintre anonyme du gothique tardif, actif dans la région de la Rhénanie supérieure, et plus précisément dans la région de Strasbourg, dans le premier quart du XVe siècle.
Il s’inscrit dans le courant du gothique international et doit son nom à son œuvre la plus célèbre, le Jardin de Paradis.

  • Vers 1410-1420 – Le Jardin de Paradis.

    Ce tableau nous plonge dans un monde enchanté d’une nature foisonnante où des personnages paisibles se livrent à des activités domestiques. Le contraste avec les réalités de l’époque doit être souligné d’emblée : guerres, maladies et parfois famines ou disettes déciment les populations. Même si le Saint-Empire romain germanique, auquel appartenait la Rhénanie, n’est pas impliqué dans la guerre de cent ans (1337-1453) qui oppose le royaume de France au royaume d’Angleterre, ce conflit intermittent se répercute sur la région. Le Jardin de Paradis est donc une manière d’illustrer le rêve d’un endroit paradisiaque pour échapper un instant aux souffrances terrestres

    Les huit personnes représentées ne sont pas toutes identifiées avec certitude :
    – La Vierge Marie, qui contrairement aux conventions ne figure pas au centre du tableau, lit la Bible et l’enfant Jésus joue du psaltérion, instrument de musique à cordes du Moyen Âge.
    Le doute subsiste concernant les autres figures, mais des hypothèses peuvent être faites :
    – La personne qui joue avec l’enfant pourrait être sainte Catherine ou sainte Cécile.

    – Le nom de sainte Dorothée a été évoqué pour la cueilleuse de cerises et celui de sainte Barbe pour la personne agenouillée puisant de l’eau avec une louche dorée.

    – Les trois hommes figurant sur la partie gauche ont combattu et vaincu le mal, représenté par des animaux figurant à leurs pieds.
    – Le personnage en armure tournant le dos au dragon inanimé a donc toutes les chances d’être saint Georges, qui a terrassé le dragon selon la légende.
    – L’archange saint Michel est identifiable à ses ailes et au singe noir assis à ses côtés, symbolisant la luxure domestiquée.
    – Pour le troisième personnage masculin, on en reste à des conjectures.

Stefan LOCHNER | ~ 1410 – 1451 

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En bref

– L’un des peintres allemands le plus significatif de Cologne au XVe siècle.
Considéré comme le dernier représentant du « style doux »
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Né vers 1410 au bord du lac de Constance, il est, avec le Maître de la Véronique, le peintre allemand le plus significatif de Cologne au XVe siècle.

Il est réputé pour ses amples robes présentant des cascades de plis brisés, ses personnages poupins aux visages délicieux, ses coloris vifs.

Ses œuvres témoignent à la fois d’une permanence du « style doux », mais aussi d’une prise en compte des innovations, notamment d’un point de vue technique et en matière de représentation de la réalité, des primitifs flamands tels que Robert Campin ou Jan van Eyck.

  • 1435-1440 – Retable des saints patrons de Cologne
    Ce retable doit son nom aux saints représentés sur les panneaux : Ursule et Géréon, patrons de la ville.
    On le nomme aussi parfois le Retable des Rois mages, par allusion au panneau central (la ville de Cologne possédait les reliques des rois admirablement conservées).
  • Vers 1445/1148 – Madone au buisson de roses (Wallraf-Richartz Museum, Cologne)
    Parfois surnommé la Mona Lisa de Cologne, ce panneau provient probablement d’un diptyque démembré dont l’autre panneau aurait représenté le donateur, (à l’exemple du Diptyque avec la Vierge et un donateur de Hans Memling).

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 Maître du retable d’Ortenberg | ~ 1430 

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En bref

– École de Cologne
– Représentant du « style doux »

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  • Vers 1430 –  Retable d’Ortenberg

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